Protection de nos cultures - 7 Sep 2015

Néonicotinoïdes sur oléagineux : vers des recommandations de bonnes pratiques ?

Les expérimentations menées par Terres Inovia sur le Thiamethoxam en traitement de semences répondent aux interrogations de l’Anses en montrant que cette substance n’affecte pas les performances des colonies d’abeilles.

A l’heure où certains en France cherchent à imposer l’interdiction totale de tous les Néonicotinoïdes, recommander une utilisation raisonnée de ces produits, limitée aux cas où ils sont réellement efficaces et sans alternative possible (en particulier lutte contre puceron vert à l’automne sur colza) pourrait peut-être permettre de sortir de l’impasse

Contexte

– Au niveau communautaire :

Depuis fin 2013 un moratoire UE de 2 ans est en œuvre sur les utilisations de Thiaméthoxam, Clothianidine et Imidaclopride de  en traitement de semences, traitement des sols et application foliaire sur cultures attractives et céréales. Une dérogation est accordée pour les cultures sous serres, céréales d’hiver en traitement sol et traitement semences et applications foliaires après floraison.

Dans une évaluation du 26 aout dernier l’Efsa  conclue que les utilisations en pulvérisation foliaire de ces 3 Néonicotinoïdes présentent des risques pour les abeilles.

Dans l’objectif  du réexamen de l’interdiction de ces molécules, l’agence a lancé un  appel à données pour étudier toutes les nouvelles informations scientifiques disponibles relatives aux utilisations en traitements de semences ou du sol et réévaluer ces risques

–  Au niveau national :

La Franc a interdit certains de ces usages avant l’UE : imidaclopride sur tournesol et maïs et Thiamethoxam en traitement de semences sur colza

Le plan abeilles et pollinisateurs sauvages affiche la volonté de la France de demander l’extension du moratoire européen sur les Néonicotinoïdes et prévoit une saisine de l’Anses pour définir les interdictions d’usage dans le cadre des réévaluations européenne ainsi qu’une demande d’accélération de la réévaluation par l’Efsa et la valorisation de  projets visant la suppression des néonicotinoïdes dans Ecophyto 2

Un amendement au projet de loi biodiversité  demandant interdiction de tous les néonicotinoïdes (les 3 déjà interdits mais aussi Acétamipride et Thiaclopride) au 1/01/16 a été introduit et adopté en séance publique de  l’AN et  a ensuite été supprimé en  commission au Sénat, mais il pourrait y être réintroduit lors de la discussion en  séance publique en 2016 .

–  Des dérogations à l’interdiction communautaire existent :

Le RU a obtenu en juillet 2015 une dérogation de 120 jours pour l’utilisation du Thiamétoxame et de la Clothianidine en traitement de semences pour lutter contre les altises des crucifères, sur 30 000 ha de colza, soit 5% des surfaces, situés dans quatre comtés méridionaux (Suffolk, Cambridgeshire, Bedfordshire et Hertfordshire), les plus touchés par la grosse altise.

D’autres états membres bénéficient de dérogations concernant l’utilisation de néonicotinoïdes :

Sur colza : Danemark, Finlande, Estonie, République Tchèque, Slovaquie

Sur tournesol : Roumanie, Bulgarie

En Allemagne les demandes de dérogations ont été refusées en 2014.

Etat des lieux des utilisations sur oléoprotéagineux en France :

– Thiaméthoxam, Clothianidine et Imidaclopride: moratoire UE

– Acétamipride et Thiaclopride (Non concernés par l’interdiction UE, mais concernés par le projet français d’interdiction au 1/1/16) :

  • Sur colza, lutte contre puceron vert à l’automne ou en plein en culture : thiaclopride+ detaméthrine (proteus) et acétamipride (suprême)

– Les pucerons transmettent viroses, leur nuisibilité est modeste (1 à 3 q/ha), mais fréquente

–  Concerne 15% des surfaces en colza en moyenne

– Solution alternative : aucune depuis que le traitement des semences au Thiamethoxam (Cruiser) est interdit, car les pyrethrinoïdes ou carbamates sont concernés par une  résistance généralisée sur tout le territoire

  • Sur colza, lutte contre charançon du bourgeon terminal : utilisé dans le cadre du protéus (associé à la Deltamétrine qui est efficace).
  • L’efficacité du Thiaclopride est très faible sur coléoptères (charançon et altise).  L’usage en est déconseillé par Terres Inovia pour ne pas favoriser les résistances sur pucerons avec cette famille de matières actives.
  • Des pyrethrinoïdes très efficaces sont utilisés contre CBT mais depuis 3 ans développement de résistances. Alternative ciblée vers les Organophosphorés
  • Sur pois, les néonicotinoides ne sont plus autorisés depuis que le Thiaméthoxam en traitements de semences pour lutter contre sitones et trips est interdit. L’alternative consiste en des traitements foliaires à base de pyréthrinoïdes, mais leur positionnement est difficile.
    • Utiliser les néonicotinoïdes permet d’éviter développement de résistances favorisées par l’utilisation d’une seule famille de produits
    • Les néonicotinoïdes sont indispensables pour lutter contre pucerons sur colza, et leur usage est à réserver à cette problématique sur cette culture pour ne pas favoriser les résistances sur pucerons.

Expérimentations de Terres Inovia sur abeilles et néonicotinoides :

  • Des expérimentation pour répondre aux interrogations de l’Anses

En 2012, une étude de Henry parue dans  la revue « Science » semblait mettre en évidence un effet néfaste d’une dose sublétale de thiamethoxam (TMX) sur le retour à la ruche des abeilles butineuses. Après expertise de cette étude, l’Anses avait recommandé de poursuivre les expérimentations avec la technologie RFID mais avec des niveaux d’exposition moindres que ceux administrés dans l’étude de Henry et d’étudier leurs conséquences au niveau de la colonie d’abeilles.

  • Aperçu du protocole

– Abeilles équipées de puces RFID

– Butinage libre de parcelles traitées TMX ou non traitées. Un  indicateur d’exposition est calculé pour chaque ruche

– Tests de détection du TMX dans nectars de fleurs et de jabots et dans miel frais.

– Tests permettaient aussi de quantifier résidus éventuels  d’Imidaclopride (IMI) et de Clothianidine

  • Aperçu des résultats

– Il existe un gradient de résidus au TMX corrélé à l’indicateur d’exposition. Le niveau de ces résidus est du même ordre de grandeur que ceux figurant dans les dossiers d’homologation du TMX.

– Des résidus d’IMI issus des traitements de semences de la culture précédente ou ante-précédente sont mis en évidence dans le nectar de jabot des abeilles suivies et nectar de fleurs de colza. Ils sont du même ordre de grandeur que ceux figurant dans les dossiers d’homologation de l’IMI.

– La longévité des abeilles, mesurée par les retours à la ruche, est impactée significativement par l’exposition au TMX cumulée à l’exposition à l’imidaclopride. Mais cet effet sur les butineuses  n’affecte  pas le fonctionnement et les performances de la colonie dans l’étude

Cette expérimentation lève les doutes de l’ANSES : le Thiamethoxam en traitement de semences de colza n’affecte pas les performances de la colonie, même avec la présence de résidus d’imidaclopride dans le nectar prélevé par les butineuses au champ.

Projet de Recommandations :

  • Réserver l’utilisation des néonicotinoides aux situations où ils sont indispensables afin d’alterner les modes d’actions et gérer le risque d’apparition de résistances.
  • Les néonicotinoïdes doivent pouvoir être utilisés :
    • Sur colza, Thiacloprid et Acétamipride en traitement foliaire, contre les pucerons virufères d’automne. Ils doivent être positionnés en début d’infestation
    • Sur colza, Thiamethoxam en traitement de semences, dans les situations à risques forts de pucerons principalement dans la moitié Nord de la France où le traitement en végétation est difficile à bien positionner
    • Sur pois, Thiamethoxam en traitement de semences pour lutter contre sitones et thrips
  • Les néonicotinoïdes ne sont pas ou peu efficaces pour lutter contre le charançon du bourgeon terminal et les altises. Ils ne doivent pas être utilisés pour ces usages afin de préserver l’usage pucerons.